“Ce que tous les autres hommes sont m’importe beaucoup, parce que tout indépendant que je m’imagine ou que je paraisse par ma position sociale, dussé-je être pape, tsar ou empereur ou même premier ministre, je suis incessamment le produit de ce que sont les derniers d’entre eux; s’ils sont ignorants, misérables, esclaves, mon existence est déterminée par leur ignorance, leur misère et leur esclavage.
Moi, homme éclairé ou intelligent, par exemple – si c’est le cas - je suis bête de leur sottise; moi brave, je suis l’esclave de leur esclavage; moi riche, je tremble devant leur misère; moi, privilégié, je pâlis devant leur justice. Moi, voulant être libre enfin, je ne le puis pas, parce qu’autour de moi tous les hommes ne veulent pas être libres encore, et ne le voulant pas, ils deviennent contre moi des instruments d’oppression…
éditions JEAN-JACQUES PAUVERT, Paris 1965